Hier encore, que faire ? Discours de Pierre Carron.
Une Histoire qui commence avec celle de l’Humanité lorsque l’homme à peine dépouillé de son animalité en inversant la mort dans une représentation de la vie invente l’art et met en situation les images originelles par des moyens inédits, un de ces premiers gestes.
À partir de cette perfection première, le thème ne cesse de s’amplifier jusqu’à devenir un dessein à l’échelle de l’univers, celui d’établir un écho terrestre à ce qui roule dans le ciel.
L’on assiste alors en tout lieu à de fantastiques levées de pierres, à la matérialisation d’épisodes vécus ou rêvés par l’Humanité, à la mise en élévation de tout ce qui palpite derrière la paroi des apparences, à des éloges du corps et de ses gestes, à l’apparition de toute une population de créatures invisibles jusque-là que des initiés à ce type de délivrance semble extirper de la gangue ou de toute éternité, elle sommeillait, fossilisée, les dressent alors devant nous étincelantes, vivantes, plus vraies que ce qu’elles commentent, plus vraies que nature.
Des œuvres qui semblent procéder d’un projet initial, celles d’une avancée simultanée de deux univers en interaction permanente, celui de l’art et de la vie ou ce qui disparait de l’un sous l’action du temps qui passe, réapparaît dans l’autre. L’art qui, de génération en génération, de renaissance en renaissance, quels que soient les bouleversements, poursuit le cours de son évolution.
À l’issue de chaque point ultime de décadence, comme le phénix renaissant de ses cendres, à partir d’une logique qui lui est propre, l’art puise en lui-même les ressources nécessaires à son développement, tirant de son passé, les avenirs qu’il contient suivant un processus et des modalités ancestrales sans cesse réinventées, réinterprétées mais jamais comme aujourd’hui abandonnées. En effet, hier encore, l’atelier, l’école, le musée, étaient les lieux privilégiés de l’apprentissage où l’expérience de l’œuvre par le biais de la copie faisait entrer le postulant de plein pied dans les arcanes du métier le plaçant en situation de s’inscrire dans une lignée, de prendre le relais tendu par des prédécesseurs lointains ou immédiats, une conception fondée sur l’héritage, la mémoire, la transmission, une conception opposée à celle qui s’est imposée aujourd’hui à notre temps qui semble être frappée d’amnésie où l’on a substitué au culte ancien rendu à la beauté, celui de l’ex-nihilo.
L’Art d’autrefois pourrait-on déjà dire est remplacé par quelque chose d’autre qui tout en en gardant l’intitulé, le cérémonial, devient le simulacre sous l’appellation saugrenue d’art contemporain à l’image de ce qu’il représente. Ce simulacre envahit l’ensemble de l’espace culturel et l’air du temps. Un label de qualité supérieure réservé à des créatures élevées au rang de créateur, un système où l’absence même d’art dans l’œuvre devient l’un des critères majeurs de qualité comme le confirme la sacralisation des détritus destinés à la poubelle, des rebuts, des riens qui résultent des relents du vieil urinoir qu’accompagnent les élucubrations et les discours de ceux qui sont trop intelligents pour être honnêtes, une production marquée par la monochromie, les lacérations, les projections des espaces bitumés, l’art scatologique, profanatoire, en un mot une adhésion où tout est son contraire dans le plus parfait éclectisme de rigueur : des goûts et des couleurs, qui rend toute prise de position ou définition inutile, sans objet. Ainsi la définition platonicienne de la beauté qui serait la splendeur du vrai bien embarrassante dans le contexte contemporain ne devient-elle pas caduque ?
Enfin le musée qui organise la juxtaposition du pas grand-chose avec les chefs-d’œuvre dont il dispose tentant ainsi de justifier le rien par le tout.
Une nouvelle conception de l’art qui correspondrait à un monde qui aurait changé, un nouvel ordre celui du désordre mental en tout état de cause, des mises en scène qui se voudraient lisibles par tous et qui en dépit d’une intense propagande restent toutefois réservées à un dessus de panier composé de bien-pensants.
En revanche, faut-il souligner qu’un certain nombre d’égarés dans le temps non labellisés bien que contemporains n’ont pas cédé au dictat et poursuivent aujourd’hui encore inlassablement l’aventure.
Je cite au sujet de l’Olympia de Manet en 1863 : L’opéra, une véritable révolution : la transformation des choses en un univers plastique autonome, cohérent et particulier (Malraux).
Manet est à l’origine des grandes tendances de la peinture moderne, de Gauguin à Matisse, du fauvisme à l’art abstrait.
Voici l’exemple même de ce qui est asséné comme une évidence, comme base de réflexion incontournable comme l’on dit pour appréhender intelligemment la période moderne ; certes, l’Olympia fit scandale mais sans nul doute pas en raison du propos pictural pas plus que celui du traitement du thème, en tout cas lui attribuer la paternité de l’art moderne et par-dessus le marché de l’art abstrait dépasse l’entendement. L’air du temps est friand de ce type de rapprochement saugrenu et pratique volontiers le grand écart dès lors qu’il s’agit de justifier le présent par le passé, de préférence en dépit du bon sens et d’autant plus volontiers qu’aucun rapport ne peut être établi entre les genres. En effet, pourquoi ce qui par définition ne ressemble à rien devrait-il ressembler à quelque chose ?
Pierre Carron – novembre 2012
Une Histoire qui commence avec celle de l’Humanité lorsque l’homme à peine dépouillé de son animalité en inversant la mort dans une représentation de la vie invente l’art et met en situation les images originelles par des moyens inédits, un de ces premiers gestes.
À partir de cette perfection première, le thème ne cesse de s’amplifier jusqu’à devenir un dessein à l’échelle de l’univers, celui d’établir un écho terrestre à ce qui roule dans le ciel.
L’on assiste alors en tout lieu à de fantastiques levées de pierres, à la matérialisation d’épisodes vécus ou rêvés par l’Humanité, à la mise en élévation de tout ce qui palpite derrière la paroi des apparences, à des éloges du corps et de ses gestes, à l’apparition de toute une population de créatures invisibles jusque-là que des initiés à ce type de délivrance semble extirper de la gangue ou de toute éternité, elle sommeillait, fossilisée, les dressent alors devant nous étincelantes, vivantes, plus vraies que ce qu’elles commentent, plus vraies que nature.
Des œuvres qui semblent procéder d’un projet initial, celles d’une avancée simultanée de deux univers en interaction permanente, celui de l’art et de la vie ou ce qui disparait de l’un sous l’action du temps qui passe, réapparaît dans l’autre. L’art qui, de génération en génération, de renaissance en renaissance, quels que soient les bouleversements, poursuit le cours de son évolution.
À l’issue de chaque point ultime de décadence, comme le phénix renaissant de ses cendres, à partir d’une logique qui lui est propre, l’art puise en lui-même les ressources nécessaires à son développement, tirant de son passé, les avenirs qu’il contient suivant un processus et des modalités ancestrales sans cesse réinventées, réinterprétées mais jamais comme aujourd’hui abandonnées. En effet, hier encore, l’atelier, l’école, le musée, étaient les lieux privilégiés de l’apprentissage où l’expérience de l’œuvre par le biais de la copie faisait entrer le postulant de plein pied dans les arcanes du métier le plaçant en situation de s’inscrire dans une lignée, de prendre le relais tendu par des prédécesseurs lointains ou immédiats, une conception fondée sur l’héritage, la mémoire, la transmission, une conception opposée à celle qui s’est imposée aujourd’hui à notre temps qui semble être frappée d’amnésie où l’on a substitué au culte ancien rendu à la beauté, celui de l’ex-nihilo.
L’Art d’autrefois pourrait-on déjà dire est remplacé par quelque chose d’autre qui tout en en gardant l’intitulé, le cérémonial, devient le simulacre sous l’appellation saugrenue d’art contemporain à l’image de ce qu’il représente. Ce simulacre envahit l’ensemble de l’espace culturel et l’air du temps. Un label de qualité supérieure réservé à des créatures élevées au rang de créateur, un système où l’absence même d’art dans l’œuvre devient l’un des critères majeurs de qualité comme le confirme la sacralisation des détritus destinés à la poubelle, des rebuts, des riens qui résultent des relents du vieil urinoir qu’accompagnent les élucubrations et les discours de ceux qui sont trop intelligents pour être honnêtes, une production marquée par la monochromie, les lacérations, les projections des espaces bitumés, l’art scatologique, profanatoire, en un mot une adhésion où tout est son contraire dans le plus parfait éclectisme de rigueur : des goûts et des couleurs, qui rend toute prise de position ou définition inutile, sans objet. Ainsi la définition platonicienne de la beauté qui serait la splendeur du vrai bien embarrassante dans le contexte contemporain ne devient-elle pas caduque ?
Enfin le musée qui organise la juxtaposition du pas grand-chose avec les chefs-d’œuvre dont il dispose tentant ainsi de justifier le rien par le tout.
Une nouvelle conception de l’art qui correspondrait à un monde qui aurait changé, un nouvel ordre celui du désordre mental en tout état de cause, des mises en scène qui se voudraient lisibles par tous et qui en dépit d’une intense propagande restent toutefois réservées à un dessus de panier composé de bien-pensants.
En revanche, faut-il souligner qu’un certain nombre d’égarés dans le temps non labellisés bien que contemporains n’ont pas cédé au dictat et poursuivent aujourd’hui encore inlassablement l’aventure.
Je cite au sujet de l’Olympia de Manet en 1863 : L’opéra, une véritable révolution : la transformation des choses en un univers plastique autonome, cohérent et particulier (Malraux).
Manet est à l’origine des grandes tendances de la peinture moderne, de Gauguin à Matisse, du fauvisme à l’art abstrait.
Voici l’exemple même de ce qui est asséné comme une évidence, comme base de réflexion incontournable comme l’on dit pour appréhender intelligemment la période moderne ; certes, l’Olympia fit scandale mais sans nul doute pas en raison du propos pictural pas plus que celui du traitement du thème, en tout cas lui attribuer la paternité de l’art moderne et par-dessus le marché de l’art abstrait dépasse l’entendement. L’air du temps est friand de ce type de rapprochement saugrenu et pratique volontiers le grand écart dès lors qu’il s’agit de justifier le présent par le passé, de préférence en dépit du bon sens et d’autant plus volontiers qu’aucun rapport ne peut être établi entre les genres. En effet, pourquoi ce qui par définition ne ressemble à rien devrait-il ressembler à quelque chose ?
Pierre Carron – novembre 2012
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